Modalités d'application de la directive sur le retour des immigrants irréguliers
29/04/2011
Sur renvoi préjudiciel d'une cour italienne, la CJUE juge que la directive sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (« directive retour » : PE et Cons. UE, dir. 2008/115/CE, 16 déc. 2008 : JOUE L 348, p. 98) s'oppose à une réglementation nationale prévoyant une peine d'emprisonnement pour le ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier qui ne se conforme pas à un ordre de quitter le territoire national. Une telle sanction pénale est susceptible de compromettre la réalisation de l'objectif visant à instaurer une politique efficace d'éloignement et de rapatriement dans le respect des droits fondamentaux, estime la Cour.
En l'espèce, le ressortissant d'un pays tiers entré illégalement en Italie a fait l'objet, en 2004, d'un décret d'expulsion, sur le fondement duquel un ordre de quitter le territoire national dans un délai de 5 jours a été édicté à son encontre en 2010. Ne s'étant pas conformé à cet ordre, le ressortissant a été condamné à un an d'emprisonnement. La cour d'appel demande à la CJUE si la « directive retour » s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit d'appliquer une peine d'emprisonnement à un étranger en séjour irrégulier pour la seule raison que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire national dans un délai déterminé, sur ce territoire sans motif justifié.
La CJUE relève, tout d'abord, que les États membres ne peuvent déroger aux normes et procédures édictées par la « directive retour » en appliquant des normes plus sévères. Cette directive définit les différentes étapes de la procédure à appliquer au retour des étrangers en séjour irrégulier. La première consiste en l'adoption d'une décision de retour : la priorité doit être accordée à la possibilité d'un départ volontaire, un délai de 7 à 30 jours étant normalement imparti à l'intéressé. À défaut, la directive impose de procéder à l'éloignement forcé en employant les mesures les moins coercitives possibles. Ce n'est que si l'éloignement risque d'être compromis par le comportement de la personne que l'État peut procéder à sa rétention. Selon la directive, cette rétention doit être aussi brève que possible (18 mois maximum). Les intéressés doivent être placés dans un centre spécialisé, séparément des prisonniers de droit commun.
La Cour relève, ensuite, que la « directive retour » n'a pas été transposée dans l'ordre juridique italien. Dans ce cas, les particuliers peuvent invoquer les dispositions de la directive, si elles sont inconditionnelles et suffisamment précises, ce qui est le cas des articles 15 et 16. À cet égard, la Cour considère que la procédure d'éloignement italienne diffère sensiblement de celle établie par la directive.
La Cour rappelle également que, si la législation pénale relève en principe de la compétence des États membres et si la « directive retour » laisse aux États la possibilité d'adopter des mesures, même de nature pénale - pour le cas où des mesures coercitives n'auraient pas abouti à l'éloignement -, ils sont tenus d'aménager leur législation afin d'assurer le respect du droit de l'Union. Les États membres ne sauraient appliquer une réglementation susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs poursuivis par une directive.
Les États doivent donc poursuivre leurs efforts en vue de l'exécution de la décision de retour qui continue à produire ses effets. Le juge de renvoi devra laisser inappliquée toute disposition nationale contraire au résultat de la directive et tenir compte du principe de l'application rétroactive de la peine plus légère.
Source
CJUE, 28 avr. 2011, aff. C-61/11 PPU ; CJUE, 28 avr. 2011, communiqué n° 40 /11